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La philanthropie à l'épreuve des inégalités

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Les réponses inventées aux États-Unis pour faire participer les habitants et les impliquer dans la résolution des problèmes sociaux sont ambivalentes. L'on peut penser, par exemple, au community organizing. Il s'agit d'un ensemble de pratiques et de modes d'intervention sociale qui insistent sur la dimension de contestation radicale de l'ordre social à partir de l'auto-organisation des communautés locales. La dimension collective de la démarche et l'importance des organizers, qui peuvent être extérieurs à la communauté, ont été théorisés au début du siècle par une importante figure de la réforme sociale, Saül Alinsky. C'est une réalité tangible qui se caractérise par des modes d'action stabilisés, des formations, des pratiques de la mobilisation, de la participation des quartiers populaires à la vie civique et politique avec l'idée qu'elles reprennent un contrôle sur les décisions qui les concernent (d'où l'idée d'empowerment). Ces modes d'action produisent des effets indéniablement positifs en ce qu'ils permettent une réappropriation et une collectivisation des problèmes. La participation des habitants rencontre une aspiration à être un membre actif de la communauté politique. Il ne faut donc pas faire le procès de la dépolitisation à ces formes participatives – il convient d'abord s'interroger sur les critères de la politisation.

En France, l'intervention sociale repose, en très grande partie, sur des statuts administratifs et sur une logique bureaucratique. Par ailleurs, les formes de relations instaurées entre travailleurs ou intervenants sociaux et les personnes en difficulté sociale sont individualisées et portent sur les déficiences de ces dernières, en vue de les identifier et, éventuellement, d'y remédier. L'engouement pour l'empowerment ne dit rien d'autre que la perception des limites des formes d'action à l'œuvre en France dans les différents domaines de l'intervention sociale. Elle dit aussi la demande de participation de certains habitants et de prise en main de leur destin collectif par certains groupes.
La tradition politique française, issue notamment du moment de la Révolution, se caractérise par une méfiance envers les fondations qui va de pair avec celle envers les corporations. De ce fait, la philanthropie n'a pas, dans notre pays, la même légitimité que dans d'autres espaces comme les États-Unis notamment. L'importance de l'État comme instituteur du social a empêché le développement d'un secteur philanthropique aussi structuré qu'aux États-Unis ou en Angleterre.

Dans un double contexte d'augmentation des inégalités de revenus en faveur des strates supérieures d'un côté et d'une crise multiforme de l'État social de l'autre, la philanthropie joue un rôle croissant dans l'organisation de ce dernier, au niveau territorial notamment et dans la fourniture de services aux populations vulnérables (pauvres, malades, handicapés) en particulier. Des dispositions d'exemption fiscale structurent le champ. Et la montée du philanthropique, soutenu par les dépenses socio-fiscales, contribue à faire évoluer le système social français. Par le biais du mécénat, des fondations territoriales mais aussi d'une présence de plus en plus importante dans le champ de l'expertise, les acteurs philanthropiques ont élargi leur champ d'implication. Leur présence est particulièrement nette dans le secteur sanitaire et social. La philanthropie pèse quelques milliards d'euros ; elle s'appuie sur un système d'incitation fiscal important en France même si ces sommes sont très limitées par rapport aux États-Unis où les dons annuels sont supérieurs à 300 milliards de dollars et tiennent une place très importante dans l'organisation de la société.


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