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Alsace-Lorraine: tiraillés entre deux

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Le mythe de Napoléon s’ajoute au bouleversement engendré par la Révolution française dans toute la Rhénanie moyenne. Un grand vent de liberté souffle alors dans la vallée. La République de Mulhouse vote son rattachement à la France (1798). Devenue entièrement française, l’Alsace fournit à elle seule 70 généraux à la Grande Armée. Les volontaires vosgiens sont légion dès 1792 pour défendre la patrie en danger. L’empire français s’étend sur toute la rive gauche du Rhin. Le mythe d’un autre Bonaparte, Napoléon III, s’achève avec la guerre franco-allemande de 1870-1871, et la capitulation de l’empereur. Les deux belligérants changent de statuts : Troisième République pour la France, et Deuxième Reich pour les États allemands. L’Alsace et la Lorraine font l’objet de négociations en vue d’une annexion au nouvel empire allemand. Comme le duché de Lorraine était devenu indépendant du Saint empire au XVe siècle, il ne fut pas revendiqué par le Reich en 1871. Le mythe prussien d’Otto von Bismarck intervient dans le remodelage des territoires, s’appuyant sur les aires linguistiques, mais sans consulter les populations. Le département de la Moselle est trituré à l’ouest et au sud, puis des communes vosgiennes sont rattachées au Bas-Rhin, tandis que l’arrondissement de Belfort est séparé du département du Haut-Rhin. La nouvelle entité territoriale s’appelle Reichsland Elsass-Lothringen (Terre d’empire Alsace-Lorraine). Elle est à l’origine d’une confusion durable, puisque la Lorraine annexée ne concerne qu’un quart de l’espace lorrain. En effet, les départements reconfigurés de Meurthe-et-Moselle, de Meuse et des Vosges restent bien français. De même, l’ « arrondissement subsistant du Haut-Rhin » devient en 1922 un département appelé Territoire de Belfort. Le mythe d’Adolf Hitler interfère dès le début de la Seconde Guerre mondiale dans le souci de récupérer les « provinces perdues » par l’Allemagne en 1918. Pour le Führer, l’Alsace-Moselle appartient à l’Allemagne et son intégration au Troisième Reich en 1940 relève d’une annexion de facto. Pas de traité cette fois, mais un armistice. Les trois départements relégués dans la « zone réservée » sont rapidement germanisés et nazifiés à outrance par deux Gauleiter. Enrôlés de force dans l’armée allemande, les jeunes Alsaciens et Mosellans payent un lourd tribu, notamment sur le front russe. La population, sous le joug nazi pendant quatre ans, garde le sentiment d’humiliation et d’abandon. L’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne, en 1871 et en 1940, a créé une importante fracture ; dans le serment de Koufra, Leclerc déclara : « Nous sommes en marche, nous ne nous arrêterons que lorsque le drapeau français flottera sur la cathédrale de Strasbourg ».Parole plus que tenue !                                     UN MOSELLAN PÈRE DE L’EUROPE Le mythe de Robert Schuman redonne confiance à une population ballottée et redevenue française. Né citoyen allemand, cet avocat est élu député de la Moselle de 1919 à 1940, puis de 1945 à 1962. En tant que ministre des Affaires étrangères, il négocie les traités majeurs (Conseil de l'Europe, Traité de l'Atlantique Nord, Communauté économique du charbon et de l’acier, etc.). De 1958 à 1960, Robert Schuman est le premier président du parlement européen, installé à Strasbourg. Lorsqu’il termine son mandat, cette institution lui décerne le titre de « Père de l'Europe ». De son côté, l’Église catholique voit en lui un chrétien exemplaire et ouvre en 1990 un procès en béatification. Après un passé aussi bouleversant, les Alsaciens et Mosellans conservent leur bilinguisme, un régime spécifique des cultes et de l’enseignement privé. Un droit local les unit par-dessus tout. Le mythe de l’Europe unie parachève leur destinée commune de près de 150 ans. Fille de Vater Rhein (Père Rhin), Strasbourg est la capitale européenne, mais pas seulement. Castrum et diocèse romains, cité royale, principauté ecclésiastique, ville libre impériale, préfecture départementale et de région, capitale d’un Reichsland, siège d’une communauté urbaine devenue Eurométropole, archidiocèse, chef-lieu de la région Grand Est, Strasbourg est aussi le symbole de la réconciliation franco-allemande. Une ville mythique en quelque sorte.

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